Ahmed SI GUESMI

Entrevue à Arenys de Munt - Hombu-dōjō de Mutokukai

Ahmed pendant notre entrevue
Ahmed pendant notre entrevue

Quand as-tu commencé l’aïkido ?

J’ai commencé en 1964, à Paris. C’est mon professeur de judo, Jacques Mathieu, qui m’a fait découvrir l’aïkido. C’était dans un club du 4ème arrondissement. Un dimanche matin, en allant au club, j’ai trouvé mon professeur de judo qui travaillait avec un élève. Je ne connaissais pas l’aïkido, j’ai regardé. J’étais passionné par le hakama. J’ai assisté à cela pendant trois quarts d’heure. Mon professeur est venu vers moi, m’a demandé si cela m’intéressait et m’a proposé de venir faire un cours avec eux. Deux semaines après, je montais sur le tatami pour débuter l’aïkido. Je faisais davantage de judo que d’aïkido mais je participais assez souvent au cours.

À cette époque, Tamura était à Aix-en-Provence et ne venait pas à Paris. J’entendais parler de Senseï mais je ne le voyais pas.

Et Noro ?

… je ne l’ai vu qu’une fois à Paris. Comme je travaillais chez Renault, en équipe, mes horaires de travail étaient décalés. Parfois je travaillais le matin, parfois le soir, et je n’avais donc pas la possibilité de le voir. Par contre, j’ai suivi des stages à Paris, avec tous les professeurs.
Dans les années 70, Tamura est venu faire des stages à Paris et de plus j’ai découvert Maître Nocquet, dans les années 80, dans un gymnase qui n’était pas loin du mien. En effet moi-même j’ai commencé à enseigner à cette époque dans un dojo sur mon lieu de travail, chez Renault à Boulogne. Maître Nocquet n’était pas loin de là, et enseignait aux mêmes horaires, les mêmes jours, et c’est à ce moment que j’ai pris contact.

Aujourd’hui, je continue à pratiquer l’aïkido, depuis 52 ans.

tu as donc fait du judo, avant ?

… oui, de 1964 également jusqu’en 1976 à peu près. J’ai eu du mal à laisser tomber le judo. J’ai lâché peu à peu, mais c’était difficile.
Je me suis marié, j’ai eu des enfants, je me suis investi dans l’aïkido, et j’ai fini par cesser le judo.

tu es allé une fois au Japon ?

Je souhaitais partir au Japon quand j’étais jeune, mais c’était difficile financièrement, et ce n’était pas facile non plus d’organiser un voyage comme cela. Par contre mon fils y est allé plusieurs fois et cela me fait un grand plaisir.

On m’a dit hier que dans les années 80 vous aviez beaucoup de dojos.

Oui. Mon fils a commencé l’aïkido à cette époque. Tout petit, je l’emmenais avec moi. Ensuite, il est allé dans mon club. A 20 ans il était 2ème dan. Au début, il ne savait pas quoi faire, il était étudiant en droit. Je lui ai dit de faire ce qu’il voulait. Il a passé le BE et il est devenu professionnel en aïkido. C’est alors qu’il y a eu beaucoup de clubs. Quand mon fils a commencé à enseigner, nous avons eu quatre clubs : un chez Renault, un à Boulogne, un autre à Ville-d’Avray et un à Créteil. C’est à cette époque que nous avons développé l’aïkido. Nous avons eu plus de 350 élèves.

Oui, c’était nécessaire si Brahim voulait enseigner professionnellement.


Au début, c’était difficile de devenir professionnel. Moi-même je ne l’étais pas, je travaillais chez Renault mais j’ai quand même enseigné l’aïkido.

Pour devenir professionnel, il faut d’abord avoir le niveau. Mon fils, à 27 ans, était 4ème dan.

Tu travaillais avec Tamura ?

Avant 1980  il y avait une union nationale. On l’appelait « Fédération affinitaire ». Au début des années 80, il y a eu séparation entre le judo et l’aïkido. Tamura est parti d’un côté et la moitié des aïkidokas sont partis de l’autre côté. Moi, je me trouvais avec maître Tamura, à la FLAB – Fédération libre d’aïkido – et j’ai continué l’aïkido jusqu’à maintenant. J’ai suivi Tamura partout. Il prenait le train, je prenais la voiture. J’ai parcouru toute la France, pour suivre tous les stages.
Seulement avec Tamura ?

J’ai vu tous les maîtres qui sont venus à Paris : Arikawa, Kobayashi, Yamada… J’ai participé à leurs stages et je pratiquais avec tout le monde. Après 1983, j’ai découvert Stéphane. Nous avons fait un stage avec sept personnes.

Y a-t-il une technique ou un mouvement que tu aimes beaucoup ?

… j’aime bien travailler, sur la forme de Ai hanmi katate dori, ikkyo, kote gaeshi, irimi nage. Ces trois mouvements m’inspirent beaucoup.

Tu sais pourquoi ?

Non. C’est devenu comme ça. Je travaillais dans les deux sens, en prenant la main comme ça, et comme ça (montrant avec ses mains).

Je me souviens que quand j’ai fait une interview avec Brahim, il m’a dit à un moment qu’il avait peur de toi. C’est très dur quand tu enseignes.

Ce n’est pas une question d’être dur, c’est ma nature. J’ai beaucoup de respect en art martial. Je ne le prenais pas à la légère. L’aïkido, pour moi, c’est très sérieux. Je voulais apprendre, mais je voulais aussi écouter, regarder. Quand j’enseigne, je souhaite que les gens écoutent et regardent. Ce n’est pas être dur, c’est le respect de l’aïkido. Évidemment, en aïkido, quand on est jeune on travaille un peu physiquement. Ce n’est pas pareil à 40 ans et maintenant. J’étais un peu dur d’esprit : chacun à sa place, le respect de l’autre et regarder attentivement. Lorsque je fais un cours, cela doit être vivant. Réellement, je ne suis pas dur ; mais martial. C’est d’ailleurs pour ça que je suis encore là.

Et puis, ce n’est pas facile de pratiquer avec un fils. Je m’en rends compte maintenant, je peux convaincre d’autres enfants, mais pas les miens. Heureusement, j’ai de la chance avec mon fils. Il n’a jamais préparé un grade. Il pratiquait dans mon club comme tout le monde. Je voyais comment il travaillait et je lui disais « je te présente au passage de grade ». Et j’ai de la chance : il me dit toujours oui, et ça passe. Chaque fois que je lui dis quelque chose, il me dit « oui, papa ». Voilà comment marchent les choses.

Tu parlais de Nocquet : tu avais des contacts avec lui ?

À cette époque, je le voyais mais je n’avais pas de contact avec lui. Lorsqu’il faisait un stage, j’y participais et j’aimais bien le travail au jo. Maitre Nocquet adorait travailler avec le jo.

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